Conforma de VitrA. La collection de salle de bains Conforma, qui comporte six WC et deux lavabos, apporte une touche moderne avec son design lumineux et minimaliste. Le lavabo Conforma a, par exemple, été optimisé pour une utilisation accessible et confortable : la partie avant du lavabo est incurvée vers l'intérieur et arrondie pour épouser la forme du corps, tandis que les angles inférieurs saisissables et “invisibles” permettent aux personnes en fauteuil roulant de se rapprocher facilement du lavabo © VitrA
Penser et agencer une salle de bains intergénérationnelle
Encore confidentielle en France, la salle de bains intergénérationnelle pourrait progressivement intégrer nos habitats, à la faveur d’un virage démographique bien entamé et d’un contexte économique on ne peut plus crispé. Toutefois, l’aménagement d’une salle de bains confortable pour tous – et ce le plus longtemps possible – induit des considérations esthétiques et pratiques, de manière à répondre aux besoins des plus jeunes, aux envies de leurs aînés et aux contraintes physiques des plus âgés. Il est donc indispensable de privilégier des produits adaptés, modulables et durables, afin de proposer une salle de bains compatible avec toutes les générations.
Rémi de Marassé
En France, l’espérance de vie des femmes à la naissance est aujourd’hui de 85,7 ans, et de 80 ans pour les hommes selon l’Insee, ce qui représente un allongement moyen de près de 10 ans en deux décennies. Couplée au vieillissement de la population (puisqu’un Français sur trois aura plus de 60 ans en 2040 et que le nombre des 75-84 ans devrait croître de 49 % d’ici la fin de la décennie pour atteindre 6,1 millions de personnes), la question de l’habitat de nos aînés et de leur future dépendance représente un défi auquel de nombreuses familles sont confrontées. Pour le relever, certaines parmi ces dernières reviennent donc au principe de vie ancestral de la maison intergénérationnelle.
Ce phénomène, qui voit plusieurs générations d’une famille vivre sous le même toit (cela peut inclure les grands-parents, les parents et les enfants, ainsi que d’autres membres de la famille élargie) ou des étudiants vivre en colocation avec des personnes âgées, est encore très timide en France… mais pourrait être amené à prendre de l’importance dans un futur proche. D’autant plus à l’heure où le coût de la vie ne cesse d’augmenter, que les résidences séniors et les Ehpad sont entachés par les scandales de maltraitance, et que la crise sanitaire du Covid-19 a mis en lumière la volonté et la nécessité de créer des liens familiaux ou sociaux. Dans ce contexte, il est nécessaire de revoir la conception et l’aménagement de l’habitat, et donc de la salle de bains.
“Une large entrée dans sa douche est confortable pour n’importe quel utilisateur, pas seulement pour les personnes âgées ou en situation de handicap ; tout comme le receveur antiglisse ou les sièges de douche, du reste, qui sont tout aussi agréables pour les gens âgés de 20 ans que pour les octogénaires.”
Si, dans un cas de figure idéal, la maison intergénérationnelle est composée de deux logements distincts, ou d’un logement commun avec deux salles de bains, la réalité oblige souvent le particulier moyen à tirer au mieux parti d’un logement et d’une salle de bains unique. “Il y a donc nécessité pour ces familles, si elles n’ont pas encore la charge de leurs aînés, de se projeter pour mieux préparer l’avenir et de faire en sorte d’avoir une salle de bains confortable le plus longtemps possible, notamment quand elles atteindront le grand âge”, soutient Bruno Lefebvre, designer produit qui a régulièrement oeuvré dans l’univers de la salle de bains.
ADAPTÉE AUX PLUS JEUNES…
La salle de bains intergénérationnelle est donc vouée à être utilisée par différentes générations. À cette fin, sa conception doit mettre à disposition un espace sécurisé et confortable en s’appuyant sur une accessibilité normalisée, permettant une vie indépendante et autonome à un âge avancé, renforcée par un agencement moderne et séduisant, ainsi que par des produits durables et résistants. En effet, “une large entrée dans la douche est confortable pour n’importe quel utilisateur, pas seulement pour les personnes âgées ou en situation de handicap ; tout comme le receveur antiglisse ou les sièges de douche, du reste, qui sont tout aussi agréables pour les gens âgés de 20 ans que pour les octogénaires”, assure Cédric Poncet, directeur général Europe d’AKW International, entreprise spécialisée dans la conception, la production et la commercialisation d’équipements esthétiques et pratiques destinés à l’aménagement de salle de bains pour personnes à mobilité réduite (PMR).
S’adaptant aussi bien aux tout-petits qu’aux garçons et aux filles, ou encore aux couples, cette salle de bains “implique des considérations banales et pointues à la fois”, reconnaît Fabrice Knoll, architecte et auteur de “Concevoir et réaliser sa salle de bains” (Eyrolles, 2009). En effet, alors que la douche supplante régulièrement la baignoire, en réponse notamment à l’évolution des modes de vie où rapidité et praticité sont les maîtres-mots, la salle de bains intergénérationnelle optera plutôt pour une baignoire bain-douche. Cette baignoire asymétrique est pensée dans un premier temps pour la prise d’une douche, puis du bain, et conjugue une zone de douche élargie – pour tourner sur soi-même et se laver debout – ainsi qu’une zone de bain relativement confortable. Le tout en gardant une taille de baignoire standard, entre 150 et 180 cm, de manière à pouvoir se loger facilement dans un coin de la salle de bains. Cette solution s’adapte ainsi aux besoins d’une population vieillissante, grâce à des produits faciles à enjamber et accessoirisés de marchepied, poignées et autres équipements nécessaires pour en simplifier et sécuriser l’utilisation ; mais elle convient tout autant aux attentes d’une jeune famille qui doit baigner les enfants avant le dîner. Cet espace douche et bain peut par ailleurs être “proposé sans carrelage, grâce à des panneaux muraux étanches qui s’assemblent en une journée et sans joint”, suggère Bruno Lefebvre, et qui agrémentent aussi bien la salle de bains d’un jeune couple que celle de retraités.
“Le mot d’ordre est de prendre en considération les contraintes physiques puis de les transposer de manière esthétique, afin qu'on les oublie.”
Si les habitudes peuvent faire croire à une utilisation simultanée de la salle de bains, “en réalité ça n’est pas souvent le cas, note Fabrice Knoll. Nous parlons d’un espace où l’on se retrouve seul, pour se ressourcer, selon ses envies et ses routines”. Il est donc indispensable de prévoir un espace lavabo qui saura répondre aux besoins du plus grand nombre, “tout en apportant une solution aux difficultés des individus, précise-t-il. Le plan doit ainsi proposer de nombreux rangements, en misant sur une large surface de pose et une vasque peu encombrante. Pour les enfants par exemple, qui ont besoin de se regarder dans la glace, faire des grimaces et se brosser les dents, nous y associerons une partie de plan vasque plus basse, afin de leur éviter d’utiliser un marchepied. Cela leur facilitera l’appropriation de la salle de bains, tout en permettant aux autres membres de la famille d’utiliser cette dernière sans difficulté”. Néanmoins, l’architecte déconseille d’équiper l’espace WC (lorsque celui-ci est situé dans la salle de bains) d’appareils adaptés aux plus petits. En effet, “il faut éviter la cuvette courte (qui affiche une profondeur de 40 cm et moins, NDLR) car les enfants grandissent très vite et celle-ci devient rapidement inadaptée, rappelle-t-il. Il est préférable d’opter pour une cuvette de profondeur réglementaire (minimum 48 cm pour les cuvettes suspendues et 60 cm pour les cuvettes sur pied, NDLR) et de l’accessoiriser pour que l’enfant puisse s’y asseoir.”
COMME AUX PLUS ÂGÉS
Le plus gros défi de l’agencement d’une salle de bains intergénérationnelle réside sans aucun doute dans l’adaptation du domicile familial aux besoins d’une personne âgée ; et ce d’autant plus si ses capacités physiques commencent à se détériorer. “Tant qu’un sénior est encore autonome et vigoureux, l’installation d’un carrelage antidérapant et d’une baignoire bain-douche facile d’accès est suffisante”, garantit Fabrice Knoll. Seulement, passé un certain âge, un sénior qui reste debout fatigue plus rapidement ; il se trouve être moins souple ou flexible, et est plus prone aux glissades et aux chutes : “Le mot d’ordre est donc de prendre en considération les contraintes physiques, puis de les transposer de manière esthétique, afin qu’on les oublie”, résume-t-il. L’espace douche doit ainsi être aménagé de manière plus franche et esthétique, avec “le remplacement de la baignoire par un receveur de douche, qui plus est sans ressaut si la structure du bâtiment le permet, et l’aménagement d’un banc carrelé qui apporte une touche pratique et décorative”, esquisse Fabrice Knoll. Une autre possibilité consiste à intégrer des solutions que “les utilisateurs peuvent lire de différentes manières, appuie Bruno Lefebvre, comme notre concept Badoo, qui consiste en une douche de plain pied se transformant en baignoire, grâce à l’abaissement d’une paroi de verre” : en position verticale, cette dernière fait office de paroi de douche et libère l’accès au receveur, tandis qu’elle assure la création d’une cuve étanche lorsqu’elle est abaissée et placée en position horizontale... le tout étant assez spacieux pour pouvoir y installer barre de redressement, main-courante ou autre siège de douche, et permettre à la personne âgée d’être assistée par un aidant. La considération est d’ailleurs la même pour le coin toilette, qui doit être assez large pour y disposer une barre de redressement et permettre les déplacements avec une canne ou un fauteuil roulant.
En complément des éléments d’assise, de préhension et d’adhérence, la salle de bains intergénérationnelle doit apporter une réponse à la diminution des capacités cognitives des séniors : difficultés à distinguer les couleurs ou les plans horizontaux et verticaux, à tourner la tête, gêne occasionnée par la réflection de la lumière, etc. Dans ce contexte, “le traitement de la lumière est sans doute le plus important”, certifie Fabrice Knoll. Il s'agit de placer le curseur d’intensité assez haut pour que la personne âgée puisse bien voir – sachant qu’elle voit naturellement moins bien – sans aller jusqu’à l’éblouissement. Il poursuit : “Il faut donc privilégier un éclairage assez chaud, situé entre 2 700 et 3 000 degrés Kelvin (la lumière rappelle alors la couleur d'un coucher de soleil, NDLR). De plus, il est utile de créer deux circuits d’éclairages dimmables distincts, puisque l’espace douche et l’espace lavabo ne nécessitent pas la même intensité de lumière et n’ont pas besoin d’être allumés en même temps, selon le moment de la journée ou l’âge de l’utilisateur de la salle de bains”. Tout en permettant d’assurer la protection du mur et de la peinture, l’apposition d’une crédence au-dessus du plan vasque permet de mieux distinguer ses contours et ajoute une touche décorative à la pièce.
ASSURER UN AVENIR DURABLE
L’aménagement d’une salle de bains adaptée aux séniors et aux PMR est régie par des normes – principalement édictées dans la loi Handicap (2005) – qui touchent à ses dimensions et caractéristiques techniques. Autant de règles qui prescrivent ensuite la conception des produits installés (comme celle du lavabo dont le siphon doit être placé à l’extrémité arrière pour permettre le passage d’un fauteuil roulant), et donc leur esthétique. Le produit résultant est alors sans saveur, à l’aspect médical voire stigmatisant… ou du moins l’était. Désormais, les spécialistes du secteur placent la fonctionnalité et le design sur le même plan, de manière à rendre la salle de bains attrayante et pratique pour tous. Exit les produits PMR ou non-PMR, une barre de douche fait aussi office de barre d’appui, de porte-serviettes et d’élément décoratif ; pour sa part, la barre de maintien est accessoirisée de façon à effacer la connotation qui lui est associée, et doit pouvoir être installée par chacun dans sa salle de bains.
“Les fabricants doivent travailler sur la modularité de leurs références, pour que celles-ci évoluent à mesure que l’utilisateur vieillit. Ce qui veut dire qu’un siège de douche doit aussi être un porte-accessoires, doit pouvoir s’enlever et se ranger si besoin. Même chose pour une barre de douche.”
Les spécialistes en question approfondissent même la démarche et travaillent sur “la modularité de nos références, pour que celles-ci évoluent à mesure que l’utilisateur vieillit. Ce qui veut dire qu’un siège de douche doit aussi être un porte-accessoires, doit pouvoir s’enlever et se ranger si besoin. Même chose pour une barre de douche”, étaye Cédric Poncet. Le choix des matériaux et finitions qui agrémenteront la salle de bains intergénérationnelle est quant à lui plus libre, et déterminé selon les sensibilités de chacun, à condition bien sûr qu’ils présentent des propriétés antidérapantes et de facilité de nettoyage. Fabrice Knoll recommande tout de même d’opter pour des “surfaces douces au toucher, qui ne présentent aucun risque de blessure, notamment pour une personne âgée dont la peau est plus fragile.”
Se projeter pour mieux préparer l’avenir ne consiste pas uniquement à faire en sorte d’avoir une salle de bains confortable le plus longtemps possible. Il s’agit également de “proposer des solutions qui assurent un avenir durable aux futures générations, estime Bruno Lefebvre. Ce qui serait véritablement intergénérationnel serait de concevoir, par exemple, des receveurs de douche et des panneaux muraux développés à partir de technologies recyclables et issues de matières organiques naturelles”. Ou bien de multiplier et de démocratiser les produits qui favorisent la sobriété, “en incitant à prendre des douches plus rapides ou en récupérant tout ou partie de la chaleur des eaux grises (les eaux grises brutes sont des eaux issues des douches, des baignoires, des lavabos, des lave-linge, des éviers et des lave-vaisselle, NDLR)”. Pour rappel, l’eau chaude sanitaire représente actuellement près d’un tiers de la consommation d’eau et d’énergie d’un foyer français.