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2.1.2023

Tom Pean, plombier et vice-champion olympique, répond à nos questions !

À la suite de sa participation aux WorldSkills 2022, qui se sont tenus à Lahr (Allemagne) du 4 au 6 novembre, Tom Pean est devenu vice-champion olympique de Plomberie et Chauffage. Pour Concept Bain, le jeune Compagnon du devoir de 22 ans est revenu sur son expérience à cette Olympiade des Métiers, sa découverte de la plomberie et son désarroi quant au manque d’intérêt pour le métier en France.

Propos recueillis par Rémi de Marassé

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Concept Bain : Comment s’est déroulé le processus de sélection en Équipe de France Plomberie et Chauffage pour ces WorldSkills ?

Tom Pean : Le processus de sélection a débuté il y a maintenant plus de deux ans, juste avant le début de la crise sanitaire qui a ensuite repoussée tous les concours de sélection et les WorldSkills eux-mêmes. Ça a été lancé par des sélections départementales, dont le vainqueur accède aux sélections nationales. À l’issue des finales nationales (qui ont eu lieu en décembre 2020, NDLR), le gagnant intègre l’Équipe de France de son métier – la Plomberie et Chauffage dans mon cas.

CB : Comment avez-vous préparé cette édition 2022 des WorldSkills ?

TP : La préparation s’est déroulée sur huit mois, un peu partout en France selon le module travaillé. Il y avait des semaines de formation professionnelle, où je m’entrainais spécifiquement à la plomberie et au génie climatique, et des semaines de préparation physique et mentale, où j’étais notamment encadré par un coach sportif, un coach mental, un kinésithérapeute ou encore un sophrologue.

La semaine de la compétition, je suis arrivé à Lahr (en Allemagne, où se sont déroulées les épreuves de Plomberie et Chauffage, NDLR) quelques jours en amont du coup d’envoi. Cela nous a permis avec Nicolas Coindet, l’expert métier Plomberie et Chauffage de l’Équipe de France et mon accompagnateur sur la préparation, de nous acclimater, de profiter des environs et de suivre le protocole de la compétition. Deux jours avant le coup d’envoi, nous avons eu un briefing réunissant l’ensemble des vingt-deux délégations présentes (les deux français étaient également accompagnés d’une interprète et d’un encadrant mis à disposition par l’organisation des WorldSkills le temps de la compétition, NDLR) ; la veille du premier jour des épreuves était consacré à la pris en main du matériel de façon à s’assurer qu’il n’y a aucune défaillance ou qu’il n’en manque pas une partie, avant la cérémonie d’ouverture le soir. Mais pas grand monde n’a fait la fête ce soir-là ! (rires).

Tom Pean et Nicolas Coindet, l’expert Plomberie et Chauffage de l’Équipe de France, sur l’espace de travail du jeune plombier français à Lahr (Allemagne) © WorldSkills

CB : La compétition de Plomberie et Chauffage s’est donc tenue sur trois jours, du 2 au 4 novembre 2022. Sur quelles compétences avez-vous été évalué ?

TP : Au total, il y a eu cinq épreuves réparties sur trois jours de compétition. Chaque journée a débuté, pour moi, par un réveil musculaire de 30 minutes à 5h30 afin d’attaquer les épreuves dans les meilleures conditions. Puis les épreuves se sont enchaînées avec l’installation, la mise en service et l’entretien du système Blue Home de Grohe (le fabricant allemand était partenaire des WorldSkills Plomberie et Chauffage 2022 et hôte des épreuves dans son complexe industriel de Lahr, NDLR) ; la mise en oeuvre des réseaux d’évacuation, la distribution eau chaude et eau froide ; le dépannage d’installation sanitaire ; et enfin un”speed module” au cours duquel j’ai réalisé le logo Grohe en tuyauterie, qui a ensuite été mise en pression, en six heures.

CB : C’est un programme condensé…

TP : Ce sont trois jours de compétition extrêmement denses et intenses, où il faut être à la fois très calme et rapide. La pression a été monstre, non pas dans l’exécution des tâches car je savais quoi faire sur le bout des doigts et que je suis en symbiose avec ce métier que j’aime pratiquer, mais plutôt en périhpérie, du fait de l’engouement et de la ferveur qu’il y a eu autour du concours. Au point parfois d’en être stressé à vomir.

© WorldSkills

Tom Pean réalise le logo Grohe, dans le cadre du “speed module”, sous les yeux de son interprète et de Nicolas Coindet © WorldSkills

CB : Vous êtes vice-champion olympique de Plomberie et Chauffage, ex-aequo avec le Hongrois Marton Offner. Que vous a-t-il manqué pour accrocher la première place ?

TP : Les critères de notation reposent principalement sur la qualité du travail, la sécurité et le temps d’exécution, portant la notation totale à 800 points. J’ai terminé à deux points de Florian Bliem, l’Autrichien, qui a remporté la médaille d’or… il ne m’a donc presque rien manqué (la France a remporté, lors de cette 46e édition, 11 médailles sur les 12 métiers qui composent le pôle BTP des WorldSkills, dont fait partie la Plomberie et Chauffage, NDLR).

CB : Vous avez représenté la France dans le métier Plomberie et Chauffage. Comment avez-vous commencé dans ce métier ?

TP : J’ai découvert la plomberie lors de mon stage d’observation de troisième. J’ai eu la chance de tomber sur un artisan qui avait le goût des choses bien faites, et qui avait surtout l’amour du métier. Tout cela a fait que j’ai accroché au métier de plombier.

CB : Vous avez ensuite opté pour la formation auprès des Compagnons du devoir et du Tour de France. Où pratiquez-vous votre métier aujourd’hui ?

TP : Aujourd’hui, je travaille depuis août 2022 à Périgueux, au sein de Périgord Génie Climatique. J’y reste jusqu’en juin 2023, avant de parfaire ma formation ailleurs. Lorsque j’ai postulé pour les WorldSkills, il y a plus de deux ans maintenant, j’étais en Franche-Comté.

CB : Qu’a changé cette participation aux WorldSkills pour vous, et pour le plombier ?

TP : C’est une expérience riche en émotions, et je ne suis pas sûr d’en être encore descendu ! Elle m’a permis de mieux me connaître et de mieux me maîtriser. Sans compter les valeurs de partage, de ténacité et de persévérance qu’elle m’a inculquées.

D’un point de vue professionnel, je dois avouer avouer que ça n’a pas changé grand-chose, à part peut-être dans l’organisation et la gestion du temps. Et c’est ce qui est malheureux à dire : en France, il n’y a aucune retombée lorsque tu participes aux WorldSkills Plomberie et Chauffage, comparativement à d’autres métiers. Dans la cuisine ou les métiers de bouche par exemple, qui sont bien plus médiatisés que la plomberie, les retombées économiques et professionnelles sont bien plus importantes. Le fait que les grands patrons et les fournisseurs suivent le concours ouvre les portes du succès aux vainqueurs. Alors qu’en plomberie et chauffage, comme nombre de métiers du bâtiment d’ailleurs, l’intérêt est quasi inexistant. Un participant chinois ou coréen peut empocher jusqu’à 500 000 euros après un résultat aux WorldSkills, tandis qu’en France, il faut se contenter d’un “bravo” ou d’un “merci”. Heureusement que le concours jouit d’une certaine réputation chez les Compagnons du devoir… ça aide un peu.

© WorldSkills

CB : Ce manque d’intérêt pour la plomberie et chauffage se ressent-il aussi dans le recrutement ?

TP : C’est la galère ! (soupir). Dans les huit régions où je suis passé avec les Compagnons du devoir, le manque de personnel revenait constamment. Tous les artisans cherchent des gars, mais personne n’en trouve et se tous posent la même question : “Comment ça se fait ?” Il faut être honnête et avouer que les métiers du bâtiment intéressent très peu de monde, surtout chez les jeunes. Les seules exceptions sont ceux dont les parents exercent ces métiers. Sans compter leur image très dégradée.

CB : Quelle place la salle de bains occupe-t-elle dans votre activité de plomberie ?

TP : Actuellement, je n’en fait pas du tout. Mais auparavant, la salle de bains était mon quotidien, surtout en rénovation chez les particuliers. Elle est un très bel outil pour rendre très heureux le client, d’autant plus depuis qu’elle est devenue une véritable pièce de vie, qui offre un moment de détente.

CB : Quelle est la suite pour Tom Pean ?

TP : J’ai l’ambition de devenir formateur aux Compagnons du devoir, d’ici quelques années. Ensuite, la question se posera de rester salarié ou de lancer mon affaire.

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